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Variations

De l’atmosphère au sol, des formes évolutives éphémères aux formes fondées stables, de la légèreté à l’invariance, de l’insaisissable à la concrétisation, des nuages aux architectures ; il n’y a qu’un seul temps. Noémie Chauvet se saisit de l’espace qui l’entoure et à travers des séries de dessins et de sculptures interdépendantes, elle ne peut s’empêcher de renverser l’horizon. Elle se nourrit des zones de transition pour créer des formes comme autant de Wolkenbügel soutenant les nuages. Une présence verticale incroyable et la disparition des repères d’appui et d’intermédiaires visuels et géométriques ; une dynamique d’architectonie que Noémie Chauvet s’approprie sans cesse avec un goût certain pour la discrète illusion des lignes et des couleurs créatrices de perspectives. 

 

Elle sait donner de la puissance au vide. La construction se fait par réflexion de la couleur qui vient combler les creux et les interstices. Ce système d’apparition est dans une continuité mentale des formes, des bases et des lignes. Dans cette infinité d’horizons décomposés, prendre de la hauteur permet souvent de mieux comprendre les espaces quotidiens et leurs étendues contiguës, les lieux d’évolution, les territoires apprivoisés et les sites familiers. Noémie Chauvet les utilise comme matière première et créé ainsi une nouvelle zone de risques et de constats, un milieu. Un milieu où se reproduisent et s’activent des possibilités de formes endémiques.

 

Les sculptures de Noémie Chauvet sont une vaste déclinaison qui se fonde de la même matière spatiale afin de conserver une plus grande objectivité. Elle s’inspire largement des formations géométriques et structurelles. Les surfaces réfléchissantes, lissées et polies s’absorbent entre elles pour faire rebondir les formes et construire de multiples mises en abyme qui renvoient d’un espace à un autre sans aucune limite de faces, d’effets optiques, de symétries et de déconstructions. 

 

L’artiste est à la recherche d’une netteté essentielle au travail du reflet, de la répétition de motifs et de l’accumulation de lignes épurées. Les combinaisons de matériaux l’amène à confronter et assembler les matières entre elles : le dibond-miroir, l’acajou-pin-feuille de cuivre, l’aluminium-adhésif, le bois-métal peint et l’inox-bois peint. Un travail de « casse-tête » commence afin d’expérimenter les échelles, les logiques combinatoires, les possibilités architecturales et la déclinaison de séquences géométriques.  

 

Les formes de Noémie Chauvet sont régulières, frontalières, droites et rythmées. Cette conscience architecturale est fascinante comme lors d’une découverte impromptue avec une construction inconnue. Elle parcourt les espaces dans une sorte de mécanisme de partitions, qui laisse entrevoir formules et compositions, rythmes et modulations. Reprendre son souffle entre deux temps et suivre le mécanisme et la construction pour achever l’édifice sculptural à en perdre la mesure. 

 

Dans le temps de l’improvisation, Noémie Chauvet peut exceller. Si la rigueur et l’autorité de certaines pièces imposent un cadre d’interprétation très fort, l’évasion picturale qu’elle propose à travers sa pratique du dessin nous offre un moment d’égarement dans une géométrie complexe et empreinte d’une recherche constante d’aller au-delà des rythmes.

«  Les choses, elles, existent en dehors de leur nom ; elles peuvent exister pendant des siècles, muettes et innommées. Pourtant, il y a un nom qui est là, qui les attend dans le silence, un nom qu’il faut inventer, trouver en savant, en poète […] Trouver ce nom qui porte la compréhension de la chose. » 

 

L’œuvre apparaît alors. À la manière d’une notation d’inventaire Noémie Chauvet nomme ses œuvres. Cette codification place l’artiste au plus proche de ses réalisations. Chaque symbole, lettre et chiffre a sa signification, de temps, de médium, de matériaux ou de série. Ce rapport morphologique aux œuvres permet à chaque pièce de fonctionner comme un repère. Un atlas, d’images inhérentes et largement inspirées par l’art minimal, le constructivisme et les architectures modernes, guide sa création. Ses dernières productions décloisonnent  la régulation des séries pour aller vers des modèles beaucoup plus hiérarchisés et des déclinaisons de formes explorant un style de geometrical studie. 

Noémie Chauvet nous dévoile une multitude de variations qui constituent cette « forme de chaîne par laquelle la perception s’articule ». Elle fabrique et dresse les plans de modules afin de parcourir nos espaces variés et dissimulés.

 

 

Wolkenbügel, El Lissitsky, 1924-1925

Stéphane Audeguy, La théorie des nuages, Gallimard, coll. Folio, Barcelone, 2009

Entretien de Hubert Damisch avec Giovanni Gareri et Bernard Vouilloux, in Perspectives, 2013.

 

Texte de Léo Bioret - Tous droits réservés

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